Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/243

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vous n’en eussiez besoin avant ce temps. — Maraud, maraud, dis-je, vous saurez demain à vos dépens que je suis en vie, et bien en vie. — Il est étrange, monsieur, dit-il, que vous nous fassiez un secret de votre mort, à nous autres qui sommes vos voisins ; il semblerait que vous avez dessein de frauder l’église de son dû ; et, permettez-moi de vous le dire, pour quelqu’un qui a si longtemps vécu sur les cieux, cela n’est pas très-délicat. — Pst ! pst ! dit un autre vaurien qui se trouvait près de lui, allez, docteur, endosser votre linceul de flanelle aussi vite que vous pourrez, car voici toute une meute de croque-morts qui vient à vous équipée de noir ; et comme cela aura l’air indécent à vous de vous tenir à la fenêtre à effrayer les gens, tandis que vous devriez être depuis trois heures dans votre bière ! » Bref, avec vos entrepreneurs de pompes funèbres, embaumeurs, menuisiers, sacristains, et vos damnés colporteurs de complaintes sur un défunt praticien en médecine et astrologie, je n’eus pas une minute de sommeil de toute la nuit, et à peine un moment de repos depuis lors. Or, je ne doute pas que ce scélérat de squire n’ait l’impudence d’affirmer que ces gens lui sont tout-à-fait étrangers ; lui, le digne homme, il ne sait rien de tout cela, et l’honnête Isaac Bickerstaff est, je vous le garantis, trop homme d’honneur pour être le complice d’une bande de gredins qui court les rues la nuit et dérange les gens dans leur lit ; mais il n’y est pas, s’il pense que le monde entier est aveugle ; car il existe un