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Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/261

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Et premièrement, je ne peux pas dire, du fond de mon cœur, que je suis vraiment fâché de l’offense que j’ai faite à Dieu et au monde. Mais je le suis très-fort du mauvais succès de mes méfaits, qui me vaut cette fin prématurée ; car il est positif, qu’après avoir obtenu, il y a quelque temps, ma grâce de la Couronne, j’ai repris mon ancien métier ; tant mes vicieuses habitudes étaient enracinées en moi, et tant j’étais devenu impropre à tout autre genre d’occupation. C’est pourquoi, bien que, par condescendance pour mes amis, j’aie résolu d’aller au gibet de la manière habituelle, agenouillé, un livre à la main et les yeux levés au ciel, cependant, je ne me sentirai pas plus de dévotion dans l’âme que je n’en ai observé chez mes camarades, qui se sont soûlés avec des filles la veille au soir de leur exécution. Je puis dire de plus, comme un fait à ma connaissance, que deux d’entre eux, après avoir été pendus et être revenus miraculeusement à la vie et à la liberté, comme cela arrive quelquefois, se montrèrent après cela les plus mauvais drôles que j’ai jamais connus, et continuèrent sur ce pied jusqu’à ce qu’ils fussent pendus pour tout de bon ; et cependant ils eurent l’impudence, les deux fois qu’ils allèrent au gibet, de se battre la poitrine et de lever tout le temps les yeux au ciel.

Deuxièmement. D’après la connaissance que j’ai de mes mauvaises dispositions et de celles de mes camarades, je suis d’avis que rien ne saurait être