Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/264

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ques années ; elle est exactement la même que celle de mes coupables confrères.

Quoique nous soyons, en général, si corrompus dès notre enfance que nous n’ayons aucun sentiment du bien, cependant nous avons toujours quelque chose qui nous pèse. Je ne sais ce que c’est, mais nous ne sommes jamais à notre aise que nous ne soyons à moitié ivres, au milieu des filles et de nos camarades ; et nous ne dormons pas bien si nous n’avons pas bu à ne pouvoir plus nous tenir debout. Si nous sortons dans le jour, un homme entendu peut aisément nous reconnaître au visage pour ce que nous sommes, tant nous avons l’air soupçonneux, craintifs et contraints, souvent faisant volte-face, et nous enfonçant dans les ruelles et les allées étroites. Je n’ai jamais manqué de reconnaître un confrère à sa physionomie, quoique je ne l’eusse jamais vu auparavant. Tout homme parmi nous a sa maîtresse à lui, qui n’en est pas moins commune à tous, quand nous avons envie de changer. Quand nous avons du butin, si c’est de l’argent, nous le partageons également entre nos compagnons, et il est bientôt dépensé pour satisfaire nos vices dans les maisons qui nous reçoivent, car le maître et la maîtresse, et jusqu’au garçon de cabaret, ont leur part du gâteau ; et en outre ils nous font payer triple. Si nous avons volé de l’argenterie, des montres, des bagues, des tabatières et autres objets semblables, nous avons dans tous les quartiers de la ville des pratiques pour nous en défaire.