Page:Swift - Opuscules humoristiques - Wailly - 1859.djvu/76

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Les avis sont très-partagés sur la manière la plus commode et la plus distinguée de tenir votre assiette pendant le repas ; les uns l’enfoncent entre le siége et le bois de la chaise, ce qui est un excellent expédient lorsque la structure de la chaise le permet ; les autres, de peur que l’assiette ne tombe, la serrent si fort que leur pouce va jusqu’au milieu du creux, ce qui, toutefois, si votre pouce est sec, n’est pas une méthode sûre ; je vous conseille donc, en ce cas-là, de le mouiller avec votre langue : quant à cette absurde pratique de poser le dessous de l’assiette sur le creux de votre main, elle est tout-à-fait condamnée, étant sujette à trop d’accidents. D’autres encore raffinent au point de tenir leur assiette sous l’aisselle gauche, ce qui est le meilleur endroit pour qu’elle soit chaude ; mais qui peut être dangereux lorsqu’il s’agit d’emporter un plat, car votre assiette peut tomber sur la tête de quelque convive. Je confesse avoir moi-même désapprouvé tous ces moyens, que j’ai fréquemment essayés ; c’est pourquoi j’en recommande un quatrième, qui est de fourrer votre assiette jusqu’au bord inclusivement, du côté gauche, entre votre veste et votre chemise ; cela la tiendra pour le moins aussi chaude que sous votre aisselle, ou ockster, comme les Écossais l’appellent ; cela la cachera assez pour que les étrangers puissent croire que vous êtes au-dessus de cette fonction ; cela l’empêchera de tomber, et ainsi logée, vous l’avez là toute prête à tirer en un clin-d’œil, et toute