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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/110

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106 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE.

faisait jour de nouveau. Nul ne s’inquiétait des droits des autres, surtout quand il s’agissait de têtes couronnées, ni des exigences du système européen, dans lequel on ne voulait voir qu’un amas de corruption et de perfidie. Ça et là aussi brillaient encore quelques dernières étincelles de l’enthousiasme avec lequel la France, trois ans auparavant, avait accueilli le projet d’affranchir le monde entier. Bref, des sentiments de toute nature, l’honneur et les désirs vulgaires, la cupidité et la conviction, le fanatisme et la soif de jouissances se confondaient partout; mais, pour le malheur de la France, les bons sentiments ne se trouvaient plus que dans les grandes masses du peuple, tandis que les plus vils instincts l’emportaient chez les chefs. Le petit nombre de ceux qui, dans les régions gouvernementales, conservaient encore quelques idées morales, se détournaient avec dégoût en voyant de près les mobiles qui dictaient les plus grandes résolutions. Maret, homme d’une probité inattaquable, d’un zèle désintéressé et d’un jugement sûr, connaissait dans leurs plus secrets détails les causes de la guerre avec l’Angleterre, car il était, en réalité, le seul qui travaillât au ministère des affaires étrangères, et tout lui avait passé sous les yeux. a De grands effets, disait-il, sont parfois dus a de petites causes la France aurait pu, sans aucun sacrifice rester en paix avec l’Angleterre; mais le gouvernement français voulait absolument la guerre il avait été forcément amené là par suite de ce que quelques douzaines de personnes influentes et prépondérantes avaient spéculé sur la baisse des fonds publics, et eussent, par conséquent, été ruinées par la prolongation de la paix. Nous devons donc, continuait-il, tous nos malheurs à des spéculations de bourse (1). » Il n’existe aucun motif pour révoquer cette assertion en doute; tout ce qu’on peut ajouter, c’est que, si l’agiotage n’a pas précisément engendré la guerre, il fut malheureusement un des traits caractéristiques de la situation d’où sortit le bouleversement de l’Europe pendant la Révolution.

(1) Malmesbury, Diary, 30 août 1797. Paroles entendues à Lille, de la bouche même de Maret. Le désir qu’avait l’Angleterre de conserver la paix se trouve conurmé également par les AfeH:o!)’M sur la vie du duc de Bassano, et l’on n’accusera pas le ministre d’Etat de Napoléon de partialité pour Pitt.