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ANCIENNE POLITIQUE DE LA RUSSIE. i~’

DE SYBEL. ~_g 9

en concluant avec la France une alliance qui aurait dominé l’Europe entière. Aucun de ces projets n’était utile à la prospérité intérieure de la Russie; mais tous étaient une conséquence naturelle du caractère que sa constitution imprimait a l’empire russe, c’est pourquoi ils restèrent l’héritage des gouvernementssuivants.

D.e plus, on vit se produire sous les successeurs de Pierre le Grand une lutte incessante entre les familles des anciens boyards et celles des parvenus et des étrangers que Pierre avait élevés aux hautes dignités. Ce serait faire trop d’honneur à ces luttes que de chercher à y voir un combat de principes. tl est vrai que, sous le rapport de la culture intellectuelle et des formes sociales, les uns penchaient plutôt vers le passé asiatique, les autres vers l’avenir européen; mais, en réalité, les questions personnelles étaient seules en jeu; on combattait uniquement pour s’emparer du pouvoir et pour s’en assurer la jouissance. Le vieux parti russe, quand il était mis à l’écart, chercha deux ou trois fois à restreindre l’autorité de la couronne en faisant valoir ses prérogatives aristocratiques; mais, à peine avait-il ressaisi les rênes de l’État, qu’on le voyait, avec le même zèle que ses adversaires, mettre en pratique les doctrines de la monarchie absolue. Les institutions de Pierre le Grand purent bien subir quelques modifications plus ou moins considérables; mais, quant à ce qui formait les bases essentielles sur lesquelles ce souverain avait édifie l’empire russe, c’est-à-dire quant à la constitution de l’armée, de l’Église et de !’Ëtat, et quant à la politique de conquête et d’agrandissement, ni le vieux parti russe ni le parti européen ne s’avisaient de songer à les ébranler.

On voit souvent un despote être l’idole de son peuple, bien qu’il ne l’emploie que comme un instrument de sa gloire et de ses jouissances sensuelles. Les réformes de Pierre I" ne transformèrent que le gouvernement et les classes élevées, sans atteindre la masse de la nation. A Pétersbourg, la pensée d’abandonner le projet d’une guerre extérieure en considération des souffrances du peuple ne fùt venue à personne. Les Néo-Russes méprisaient la nation, qu’ils gouvernaient et qu’ils employaient sans remords comme un matériel de guerre les vieux Moscovites méprisaient les peuples voisins, qu’ils regardaient comme des