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M& RÈGNE DE LA TERREUR EN FRANCE.

Montagne fit entendre les plus vives acclamations ceux d’entre les députés .qui étaient eux-mêmes revêtus d’une dignité ecclésiastique suivirent l’exemple qui venait de leur être donné, et Chaumette demanda que la Convention consacrât un jour du calendrier républicain à la Raison, la seule vraie divinité, Bientôt les sections firent fermer toutes les églises, et portèrent à la Convention ou à l’Hôtel de Ville les vases d’argent, les chasubles brodées, les reliques précieuses qu’elles renfermaient. Le 10, Notre-Dame fut consacrée au culte de la Raison, en présence de la Convention et de la Municipalité une femme du corps de ballet, choisie pour représenter la déesse, fut assise sur l’autel, vêtue de gazes transparentes, pendant qu’une bande de sans-culottes à demi ivres l’entourait en dansant la Carmagnole. Ces scandales, qui se renouvelaient chaque jour, étaient, comme nous l’avons vu, imités dans les provinces par les représentants en mission. Les habitants étaient indignés, mais ils restaient silencieux et inactifs des femmes intrépides seules se pressaient par milliers dans les rares églises qui étaient restées ouvertes au culte. L’Hôtel de Ville les dépeignait comme des femmes de mauvaise vie qui voulaient expier leurs fautes mais, la victoire étant assurée, on ne les inquiétait pas.

Tel était le régime que le gouvernement de septembre avait imposé a la France comme son état régulier et ordinaire; tel était le traitement subi par les provinces qui avaient humblement et patiemment courbé la tête sous le joug, et qui ne s’étaient pas attiré la colère des vainqueurs par des tentatives de résistance. Cependant, dans ces provinces mêmes, les motifs de soupçons ne manquaient pas à ceux qui gouvernaient si despotiquement. Quoique la liberté de la presse et de la parole fût étouffée, quoique tous les individus renfermassent leur irritation et leurs sentiments dans le secret de leurs maisons et dans la profondeur de leur cœur, les tyrans comprenaient l’horreur générale qu’ils inspiraient, rien qu’au silence de mort et à la froideur glaciale avec lesquels la masse de la population se détournait de leurs actes. De tous les départements, les commissaires écrivaient que le peuple était bon, mais trompé; que, jusqu’à leur arrivée, il n’avait eu aucune connaissance de ses droits, et avait été soumis à l’influence des aristocrates et des égoïstes.