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~72 RÈGNE DE LÀ TERREUR EN FRANCE. 11 1

population. Un ramassis de mendiants, auxquels le gouvernement payait vingt-quatre sous par jour, applaudissaient bien encore aux bourreaux mais on reconnaissait que la compassion l’emportait enfin sur le fanatisme chez les prolétaires eux-mêmes, et que l’amour ~de la République faisait peu à~peu place à l’effroi dans cette classe inébranlable jusque-là. Le Comité crut donc prudent de diminuer pour quelque temps l’effusion du sang, d’emprisonner au lieu d’exécuter, et de demander les biens plutôt que les têtes des prisonniers. Cette résolution, quoiqu’elle lui fût inspirée par la politique plus que par l’iiumanité, suffit pour lui attirer la haine des Hébertistes (1).

D’un autre côté, le Comité était chaque jour moins satisfait de sa situation. Tandis que toute la nation était courbée sous son autorité, it~ne pouvait compter sur la discipline, la fidélité et l’obéissance de ses propres agents. C’étaient surtout les finances qui ressentaient le contre-coup de la licence avec laquelle les commissaires de la Convention, les Municipalités et les clubs, par de sanglants moyens, s’emparaient de toutes les fortunes. Le trésor se plaignait de ce que les citoyens appauvris ne pouvaient plus acquitter l’emprunt forcé sur lequel il avait fondé tant d’espoir (2), et une faible part seulement des taxes révolutionnaires et des réquisitions revenait à l’État. Les vêtements que Saint-Just avait confisqués à Strasbourg moisirent dans les magasins, sans profit pour l’armée il ne revint pas aux caisses publiques un tiers des quinze millions qui avaient été prélevés en Alsace, et les exactions de Tallien à Bordeaux ne rapportèrent pas un sou au trésor (3). Il en était partout de même. Le produit des taxes était gaspillé par les comités révolutionnaires, mis par les commissaires dans leur poche ou englouti par la désorganisa’tion générale. Cette situation était la conséquence naturelle des principes jacobins; mais il était impossible qu’un gouvernement, même Jacobin, s’en accommodât. Depuis le commencement de novembre, le Comité de Salut public était occupé à faire des plans pour la réorganisation de l’administration, l’établissement des services publics, l’augmentation dc ses propres (1) Nlallet du Pan, J/<!mo!)’e~ H, p. 65.

(2) Rapport de Cambon du 16 décembre 1795.

(3) Rapport du comité des finances du 6 frimaire, III.