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&8 COMMENCÉMENT DE LA &UËRRE ANGLO-PRANÇAISE.

Il y avait, il faut l’avouer, une considération très*séneuse qui devait faire contre-poids au plan de Dumouriez; c’était la certitude qu’une attaque contre Amsterdam ne pouvait manquer de créer des difficultés avec l’Angleterre, la plus puissante alliée de la Hollande. L’Angleterre ne pouvait tolérerqu’une flotte française restât en permanence dans le port d’Anvers, et il était facile deprévoir qu’une menace contre la souveraineté de la maison d’Orange en Hollande ne serait pas accueillie par elle avec plus de calme qu’en 1787. Jusque-là, Lebrun avait cru avoir des moyens particuliers pour s’opposer à l’intervention anglaise il ne se flattait de rien moins que d’allumer à Londres et a Dublin une révolution démocratique qui aurait eu pour conséquence une étroite alliance entre les républiques de France, d’Angleterre etd’irlande. Ce résultat aurait eu une bien autre importance encore que la chute de la maison de Lorraine et son éloignement du trône impérial; aussi Lebrun le poursuivait-il avec une infatigable opiniâtreté. Il était incessamment occupé à réunir dans sa main tous les fils de l’opposition et du mécontentement qui se manifestaient en Angleterre, espérant ensuite n’avoir besoin que d’une secousse rapide et violente pour renverser la constitution de ce pays. L’ambassade française à Londres était le foyer de ces intrigues. Lorsque, après le 10 août, l’Angleterre eut rappelé de Paris son chargé d’affaires, en alléguant qu’il n’était accrédité qu’auprès du roi, le ministère français avait résolu de ne plus entretenir à Londres que des agents secrets (1). Plus tard cependant, Pitt ayant exprimé nettement le désir de rester en paix et en bonne,amitié avec la République, quoique l’Angleterre ne la reconnût pas, Chauvelin reçut l’ordre de prolonger’son séjour à Londres, mais comme simple particulier. Depuis longtemps, son hôtel était un centre où se rencontraient publiquement les chefs de l’opposition parlementaire; un fréquent échange de lettres avait lieu par son entremise entre Fox et Condorcet, Sheridan et Brissot, et, plus d’une fois, on put remarquer que les discours des lords Landsdowne et Lauderdale s’accordaient mot à mot avec les notes rédigées par Lebrun à la même époque (2).

(1) Protocole du 2t août.

(2) Malmesbury, diaries, décembre 1792.