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63 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAfSE.

d’abord que ce crime même n’était passible d’autre châtiment que celui de la déchéance, et ensuite, que tout autre crime, bien qu’ayant été commis à l’insu des ministres, se trouvait couvert, dans tous les cas, par l’inviolabilité de la personne du roi. C’était justement de ce crime de haute trahison, de conspiration avec l’Autriche et l’Europe pour amener la chute de la liberté française, que Valazé venait d’accuser le roi. Or, en admettant que cette accusation fût fondée, que le roi, dans l’ensemble de sa conduite en 1792, eût fait autre chose que se défendre contre les républicains, le châtiment légal, la déchéance, avait eu lieu depuis le 10 août, ce qui excluait toute poursuite judiciaire. Ceci était si clair, si évident, que Mailhe, sans essayer d’aucune contradiction, avoua que, d’après la loi de 17M, tout se trouvait terminé en effet par le fait même de la déchéance du roi. Le premier acte du procès criminel fut donc de d’abandonner le terrain légal. On y suppléa en recourant à ces moyens qui viennent en aide à tous les despotes, la nécessité d’État et la toute-puissance du pouvoir régnant. « Vous représentez la souveraineté de la nation, s’écria Mailhe; or, la souveraineté est inaliénable et indivisible elle ne peut donc être annulée par l’inviolabilité royale; celle-ci eût primé toute autre autorité, mais elle n’est rien devant la toute-puissance de la nation. La nation crie vengeance et demande le châtiment du traître, en vertu du droit sacré de la nature, de ce droit au nom duquel j’immolerais le meurtrier de ma femme! D

Considérée à ce point de vue, la question était résolue d’avance. Si la nation seule avait le droit de frapper Louis XVI, la Convention, composée des représentants de cette nation, était le seul tribunal possible. La Convention, étant investie de la toutepuissance de la nation souveraine, était dispensée de s’astreindre aux formes légales des procédures criminelles. Enfin, du moment que la Convention était, à tous égards, revêtue des pouvoirs de la nation, son jugement n’avait nul besoin de la sanction du peuple souverain.

Comme une grande partie des indépendants voulaient, avec Danton, qu’on en appelât plus tard aux assemblées primaires, il est permis de penser que les vues actuelles du ministère avaient suggéré le dernier de ces principes l’appel au peuple rendu inu-