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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/7

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RÉSUME GÉNÉRAL DE LA SITUATION. 3

càtions extérieures, mais moins de progrès intérieurs et réels ont été réalisés en ce long espace de temps qu’en un demi-siècle de l’époque moderne.

Ce fut précisément parce que les priviléges qui régnaient sur le monde formaient entre eux une seule chaîne solidement rivée, que l’effet fut immense lorsqu’enfin l’esprit de liberté naturelle et de vérité brisa tout à coup les liens dans lesquels il était enfermé. Tandis que Christophe Colomb changeait la carte du monde, que Luther réformait l’Église, et Copernic le système planétaire, on vit l’esprit d’examen s’éveiller à tous les degrés de l’existence, dans tous les pays et chez tous les peuples. Les hommes trouvèrent enfin la force de condamner, la volonté de progresser, l’amour du mouvement enfin s’alluma chez eux. Ils résolurent de ne plusreconnaître aucune autorité qui ne fût basée sur la nature même des choses, aucune borne dont la nécessité ne fût bien démontrée, aucun pouvoir dont l’utilité ne fût incontestablement prouvée. Assurer le développement de l’humanité; le dégager de toute entrave arbitraire et lui donner pour bases les lois de la nature morale, telle fut la pensée qui, depuis lors, anima les peuples et leur communiqua une force invincible. Elle soutint les défenseurs de la réformation, lorsque, sans égards pour l’autorité de la vieille Église, ils ne demandaient qu’a. leur cœur où se trouvait l’esprit de Dieu; elle se manifesta dansles œuvres de la science et de l’art, en faisant abandonner les types et les formes consacrés pour ne plus chercher que la vérité absolue et la beauté naturelle; elle se montra encore dans la révolution économique et sociale qui, depuis le siècle dernier, a changé toutes les positions et brisé tous les liens, en proclamant la liberté sans limites du travail; enfin, elle n’exerça pas moins d’influence sur le domaine de la politique que sur celui de la société, de la civilisation et de la religion.

Nous voyons successivement tous les pouvoirs s’efforcer de s’assurer l’avenir par la force de cette pensée. Ce furent d’abord les rois et les princes de l’Europe qui, au nom de l’utilité générale, du bien public et des droits de l’humanité, ouvrirent la lutte contre les anciennes institutions. Après avoir suivi l’exemple de Louis XIV et l’avoir même surpassé, les monarques prussiens trouvèrent à leur tour des imitateurs dans la plupart