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Page:Sybel - Histoire de l’Europe pendant la Révolution française 2.djvu/96

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92 COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE

le silence d’une morne stupeur régnait sur la ville; le soir, les théâtres, ouverts par ordre de l’autorité, furent presque déserts. a Les femmes étaient tristes ce jour-là», dit un journal des Jacobins, « ce qui ne contribuait pas médiocrement à assombrir l’aspect de la capitale. – « Nous avons brûlé nos vaisseaux » s’écriait Marat.

C’était résumer la situation en peu de mots. La pierre angulaire de la République venait d’être posée dans le sang par des mains meurtrières; le sang et le meurtre se retrouvèrent désormais dans toutes les parties de l’édifice qui allait s’élever. Les vainqueurs du 19 janvier n’eurent plus, dès lors, à choisir qu’entre leur propre mort ou l’anéantissement de tous leurs adversaires. Ils acceptaient cette situation avec joie, parce qu’ils ne voyaient d’autre but à la Révolution que le renversement radical de tout ce qui existait. Ils ne comprenaient pas que, par de tels moyens, on peut faire la guerre, mais non fonder des Etats. Leur crime, en suscitant d’immenses obstacles au rétablissement de la monarchie, avait, du même coup, tué l’avenir de la République. Une nation grande et civilisée ne peut supporter longtemps de vivre dans le crime et d’être gouvernée par le meurtre.

CHAPITRE V

COMMENCEMENT DE LA GUERRE ANGLO-FRANÇAISE. La victoire remportée le 17 janvier 1793 par les Jacobins ne décida pas seulement du sort de Louis XVI, elle amena encore la guerre entre la France et les puissances maritimes. Ce n’était pas que le roi d’Angleterre désirât entreprendre, comme vengeur de Louis XVI, une croisade en faveur de l’inviolabilité des couronnes; cette pensée n’existait alors que dans une seule tête couronnée, dans celle du roi de Prusse, qui n’était nullement un homme d’action mais l’Angleterre voyait des intérêts pratiques d’une haute importance pour elle compromis par les exigences des Jacobins; en conséquence, la chute du