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LUCIFER

un pan de la pièce principale du camp. Autour de son bon feu, que d’interminables causeries, le soir après souper, alors que la buée légère, qui se dégage des bottes et des habits mouillés séchant sur le dossier des chaises, se mêle à la fumée épaisse des pipes ! Bien entendu les sujets toujours d’actualité sont la pêche, la chasse, les lacs et les bois. C’est, sans contredit, l’endroit le plus poissonneux ou le plus giboyeux de tout le territoire. Que de truites qui nagent encore paisiblement au fond des lacs, que de gibiers qui courent ou volent encore dans les bois, ont été prises ou abattus dans le rayon étroit de cette chaleur inspiratrice !

Je soupçonne la flamme moqueuse, et, à l’occasion, quelques gouttes traîtresses tombées des opulentes bouteilles alignées sur la table voisine, de jouer aux causeurs le vilain tour que le soleil et les cigales du Midi jouaient à ce brave Tartarin !

Et chacun d’écouter sérieusement, d’un air convaincu, le récit de l’exploit du voisin, d’affirmer de la tête la longueur exacte de la belle pièce manquée le jour même, de peur de se voir refuser le même crédit quand à son tour on racontera ses prouesses.