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LE HUARD

Si notre oiseau vole mal, il marche plus mal encore, et même se tient à peine sur ses pattes. Comme un canot, il n’est d’aplomb qu’en flotte.

Essayez, si l’occasion s’en présente, de le poser sur le sec. Il basculera gauchement de l’avant, si bien qu’on ne le voit jamais droit debout que chez le taxidermiste. Plantées solidement tout à l’arrière, ce ne sont pas des jambes qu’il a, ce sont des avirons que manie dextrement cet infatigable nageur.

Il vit de pêche, et aussi quel pêcheur ! Du pêcheur il a l’instinct, la patience et la vocation exclusive.

Il ne pêche pas au dard comme le héron ou le martin-pêcheur, ni au filet, ni à l’hameçon, comme vous et moi ; il va se servir sur place, au sein des eaux limpides, disputant aux gros poissons les petits qu’il dévore.

Inoffensif et beau, gracieux ornement de nos lacs du nord, il jette dans l’air pur du soir son cri clair que les échos se plaisent à redire. De grâce ne troublez pas sa paix.

Ménagez vos cartouches pour un moins fin gibier, car il a l’œil vif ! Sans doute… l’avez-vous appris !