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HISTOIRE D’UN GOUJON

tournait sans changer de place. Alors je pris mon élan et l’attrapai. C’était mou, c’était bon.

Mais tout-à-coup il se fit un grand tapage, et juste au moment où je m’éloignais, un oiseau armé d’un bec pointu plongea dans l’eau et en ressortit en emportant un pauvre petit poisson qui m’avait suivi sans que je l’aie vu. Depuis, je n’ose plus manger les mouches et les bêtes qui tombent, pour ne pas être pris par l’oiseau qui vient jusque dans l’eau.

Hélas ! que je regrettais mon cher ruisseau natal où l’on se sent en sûreté parmi les remous et les cailloux luisants, où la nourriture passe à portée de votre bouche, où l’eau froide vous caresse !

Je vivais perdu dans le lac, toujours sur le guet, craignant les trous profonds où les truites nagent avec des gueules armées de dents, fuyant les rives et les bas-fonds où viennent plonger les terribles oiseaux aux becs pointus.

Les jours passaient.

Voilà qu’un matin, me promenant, j’aperçois une troupe nombreuse de mes frères aux écailles d’argent. Ils étaient pressés les uns contre les autres