Page:Sénèque - Oeuvres complètes, trad Charpentier, Tome III, 1860.djvu/118

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Catilina dirigés à la fois sur lui et sur la république ; si à cette heure il fût mort, sauveur et libérateur de Rome ; s’il eût suivi sa fille au tombeau, il eût pu mourir heureux. Il n’eût point vu le couteau levé sur la tête des citoyens, les bourreaux se partageant les biens des victimes qui payaient les frais de leur mise à mort, les dépouilles de tant de consulaires vendues à l’encan, le massacre et le brigandage affermés comme revenus publics, tant de guerres, tant de rapines, tant de Catilinas.

Si, à son retour de Chypre où il avait réglé la succession du roi de cette île, M. Caton avait été englouti par la mer avec les trésors qu’il rapportait et qui allaient nourrir la guerre civile, n’eût-ce pas été un bonheur pour lui ? Il serait mort avec la pensée que nul n’aurait osé commettre le crime en présence de Caton. Hélas ! quelques années de plus ont contraint ce grand homme, né pour la liberté de tous plus que pour la sienne, à fuir César et à suivre Pompée.

Disons-le : ce n’est pas un malheur pour votre fils d’être mort jeune ; le trépas lui a même fait remise de tous maux à venir. Vous dites : « Il a péri trop tôt, et avant l’âge ! » Mais supposons qu’il ait vécu davantage ; mesurez la plus longue carrière qui soit donnée à l’homme, à quoi se réduit-elle ? Né pour un moment, il lui faut vite céder à d’autres, venus au même titre, une demeure qu’il ne peut qu’entrevoir en passant. Je parle de la vie humaine, ce torrent qui, on le sait, roule avec une incroyable célérité ; mais voyez ces villes qui comptent des siècles, et calculez combien peu ont subsisté celles qui vantent le plus leur antiquité. Tout ce qui est de l’homme est court et périssable, et n’occupe aucune place dans l’infinité des âges. Ce globe, avec tous ses peuples, ses villes,