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Page:T. Corneille - Médée, Schelte, 1695.djvu/47

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J’ai quitté mon pays, abandonné mon père ;
On m’exile ; & l’exil ne peut m’être que doux,
S’il assure à Jason la gloire qu’il espère.

JASON.

Ah, c’est m’en dire trop ! cessez de m’attendrir ;
Je ne me connois plus dans ce trouble terrible.

MÉDÉE.

J’y consens, je veux bien être seule à souffrir,
Un héros ne doit pas avoir l’âme sensible.

JASON.

Je vous l’ai déjà dit, je sens tous vos malheurs.
Ce qu’a fait votre amour gravé dans ma mémoire…
Adieu, je ne puis plus soutenir vos douleurs,
Et je dois me cacher vos pleurs,
Si je veux en sauver ma gloire.


Scène III

.
MÉDÉE.
, seule.

Quel prix de mon amour ! Quel fruit de mes forfaits !
Il craint des pleurs qu’il m’oblige à répandre ;
Insensible au feu le plus tendre
Dont un cœur ait brûlé jamais,
Quand mes soupirs peuvent suspendre
L’injustice de ses projets ;
Il fuit pour ne les pas entendre.
Quel prix de mon amour ! quel fruit de mes forfaits !
J’ai forcé devant lui cent monstres à se rendre.