Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/154

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Mais pour oser ici m'en servir librement [505]
Je connais trop le peuple et son dérèglement,
Il hait cette science, et croit que qui l'exerce
Doit avec les démons avoir quelque commerce ;
Ainsi craignant sa langue et d'en faire l'essai,
J'ai toujours avec soin caché ce que je sais, [510]
Tant que las de souffrir votre rigueur extrême,
J'en ai voulu savoir la cause de moi-même,
J'ai consulté le ciel, et l'ai trouvée enfin,
J'ai trouvé la fenestre avecque le jardin,
Du trop heureux Don Juan j'ai su la feinte absence. [515]
Mais n'appréhendez rien de cette connaissance,
Mon intérêt m'oblige ici d'être discret,
Notre sort est pareil, c'est secret pour secret,
On vous a dit le mien, j'ai découvert le vôtre,
Assurez-moi de l'un, je vous répons de l'autre. [520]

béatrix

Ô l'habile homme !

philipin

à Lucrèce
Et bien, vous avais-je menti ?

béatrix

La vérité, Madame, enfin prend mon parti.
Pour moi j'avais bien su par un confus murmure
Qu'il se mêlait un peu de la Bonne aventure ;
Mais je vous ai vendu, il a tout su de moi. [525]

lucrèce

J'avais assez de peine à soupçonner ta foi,
Mais enfin, Béatrix, sans son Astrologie
Eût-il rien pu savoir à moins qu'on m'eut trahie ?

don fernand

à Philipin
Tout va bien, Philipin, la fourbe a réussi.

philipin

à Don Fernand
La bonne Dame en tient, et n'est pas sans souci, [530]
Vous verrez son orgueil réduit à la prière.

lucrèce

Généreux Don Fernand, esprit plein de lumière,
D'un amant dédaigné je craindrais le courroux
S'il fallait faire excuse à tout autre qu'à vous,