Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/169

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calie|à Philipin}}
Je crois qu'elle a dessein de me faire enrager,
Deviner sa pensée ! est-elle raisonnable ? [835]
Et suis-je pour cela Magicien ou Diable.

philipin

Payez encor un coup de galimatias,
Et dites de grands mots qu'elle n'entende pas.

don fernand

à Léonor
Sans vouloir feindre ici, je confesse Madame,
Que je puis pénétrer les secrets de votre âme, [840]
Voir à nu votre coeur, lire dans votre sein,
Mais sachez que pour vous je m'emploierais en vain,
Si vous ne témoigniez par un récit sincère
Votre consentement à ce qu'il faudra faire.
Peut-être tâchez-vous de voir par cet essai [845]
Si je suis ce qu'on dit, et si ce bruit est vrai,
Mais gardez d'empêcher l'effet de ma science,
Car enfin il y faut beaucoup de confiance,
J'ai mes règles à part, et n'agis pas toujours
Selon qu'apparemment les Astres ont leur cours. [850]
La force de mon Art passe un peu l'ordinaire,
Et pour vous en donner une preuve bien claire,
Je vais vous découvrir, si vous le souhaitez,
Quelle est votre pensée, à quoi vous la portez,
Si votre coeur est libre, ou quel objet l'enflamme, [855]
Et ce que vous avez de plus caché dans l'âme :
Mais cela fait aussi, ne me demandez rien,
Je ne puis rien pour vous.

léonor

Quel malheur est le mien,
Qu'il faille me résoudre à vivre infortunée,
Ou rougir d'un récit où je suis condamnée. [860]
J'aime, et le digne objet qui règne sur mon coeur
Par cent et cent devoirs s'en est rendu vainqueur,
Mais encor que pour lui j'eusse une amour fort tendre,
Il m'a quittée enfin pour s'en aller en Flandre,
Avec tant de mépris que sans me dire Adieu [865]
Il a pû se résoudre à partir de ce lieu.