Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/233

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L'ordre est ainsi donné, Madame, il n'oserait.
Avecque Don Bertran il faut marcher bien droit,
Il est plus difficile à ferrer qu'une mule.

ISABELLE.

Don Bertran ! Que ce nom me semble ridicule ! [130]
Apprends-nous quel il est.

GUZMAN.

C'est un galant du temps,
Un fort brave jeune homme âgé de soixante ans,
Qui pour remédier à la chaleur de l'âge
S'est enfin résolu de se mettre en ménage.
Il vous écrit.

ISABELLE.

À moi ! Qui  ? [135]

GUZMAN.

Ce futur époux, [135]
Ce Don Bertran.

JACINTE.

Voyez si le style en est doux.

ISABELLE.
lit.


Ma fille. J'ai six mille et quarante deux ducats de rente, et Don Alvar, mon cousin et prétendu beau-frère, est mon
héritier si je n'ai point d'enfants. On m'a dit qu'en me mariant avec vous j'en pourrais avoir autant que bon me semblera.
Venez donc dès aujourd'hui à l'Hostellerie d'Yllescas, où je vous attends pour traiter de l'un, et pour l'autre, nous y
aviserons à loisir ; mais souvenez-vous que je suis dans une hostellerie, et qu'il y fait fort cher vivre en cette saison. C'est pourquoi ne perdez point de temps, partez promptement, et mettez un masque avant que mon cousin vous aille trouver de ma part, car le soin de votre honneur commence déjà à me regarder, et vous ne devez point vous laisser voir
que je ne le juge à propos. Votre Mari Don Bertran de Cigarral.