Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/281

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nissez pas avec tant de rigueur [1035]
Un crime de ma langue, et non pas de mon coeur.
Ne vous alarmez point d'une si vaine flamme,
Que feignant de nourrir je désavoue en l'âme.
De peur que Don Bertran par un soupçon jaloux
N'ose imaginer que je brûle pour vous, [1040]
Exprès pour Léonor je me feins l'âme atteinte.

ISABELLE.

Puisqu'il ne t'entend point, à quoi bon cette feinte  ?
Va, tu n'es qu'un ingrat.

DON ALVAR.
.

Quel malheur est le mien  ?
N'écouterez-vous point...

ISABELLE.

Non, je n'écoute rien.

DON ALVAR.
.

Je ne vis que pour vous, seule je vous adore, [1045]
Votre amour fait ma joie ; en faut-il plus encore  ?
J'abhorre Léonor, et par de vains efforts...

LÉONOR.
se levant tout à coup.

Traître, perfide...

GUZMAN.

À l'aide, elle a le Diable au corps.

LÉONOR.

Il faut te déclarer, imposteur, il faut dire
Pour laquelle de nous ton lâche coeur soupire. [1050]
Et pour elle et pour moi, tu feins les mêmes feux.
L'aimes-tu  ? M'aimes-tu  ? Qui trompes-tu des deux  ?

ISABELLE.

Lève le masque enfin, il faut cesser de feindre.

GUZMAN.

Trente sergents en queue il serait moins à plaindre.

LÉONOR.

Parle donc à laquelle as-tu donné ta foi  ? [1055]
Est-ce à moi, dis, parjure  ?

ISABELLE.

Infidèle, est-ce à moi  ?

LÉONOR.