Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/286

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Cent fois m'est avenu sans me rompre os ni veine,
Ce qui de mon adresse est marque très certaine,
Car beaucoup n'ont tombé qu'une fois seulement,
Qui se sont échinés fort maladroitement. [1120]
Pour vaillant, je le suis, je crève de courage,
Je chante comme un cygne, à danser je fais rage,
Jusqu'à donner leçon à certain petit chien
Qui danse comme un drôle, et qui ne m'en doit rien.
D'ailleurs, je me connais assez bien en peinture, [1125]
De cette propre main j'ai fait ma portraiture,
Et n'ai pas moins de grâce à toucher le pinceau
Que d'esprit à tirer des vers de mon cerveau ;
Car vous n'ignorez pas, sans que je vous le die,
Que je sais en six jours faire une Comédie, [1130]
Et que si le Théâtre était estropié
J'ai déjà trop de quoi le remettre sur pied.
Quant au fait du ménage où je m'applique l'âme,
Je sais comme il faut vivre, et n'en redoute femme.
J'ai pourtant le coeur bon, et ne pleure jamais [1135]
Ou la dépense faire, ou celle que je fais.
Qu'un Parent me soit mort, sans qu'on me sollicite,
Je me mets en grand deuil pourvu que j'en hérite,
Je m'en console ainsi mieux qu'à moi n'appartient,
Je prends toujours courage, et le temps comme il vient, [1140]
L'esprit fort et constant, sans me mettre en cervelle
Ce que peut dire un tel ou penser une telle,
Je fais nargue au babil, et qui plus est, ma foi,
Je me moque de ceux qui se moquent de moi.
Pour ma taille, on ne peut la trouver engoncée, [1145]
J'ai le pied bien tourné, la jambe bien troussée,
Le port majestueux, le visage assez doux,
Et la mine guerrière autant ou plus que vous.
Sans doute vous direz ici que je me loue  ?
En cela vous dites vérité, je l'avoue, [1150]
Je me loue en effet, mais il est à propos,
Et pour conclure enfin l'affaire en peu de mots,