Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/287

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Las de vivre toujours sans Femme noire ou blonde
Par qui pouvoir laisser des Don Bertrans au monde,
Noble vaillant, adroit, danseur, dispos, léger, [1155]
Poète, Musicien, Peintre, bon ménager,
Et surtout, qui n'est pas chose fort dégoûtante,
Ayant près de sept fois mille ducats de rente,
Je viens pour faire honneur à Madame Isabeau,
Et par un bon contrat me charger de sa peau, [1160]
Sans en rien espérer que lorsque la mort fière
Par grand bonheur pour moi vous clora la paupière,
Jugez jusqu'où pour vous je me suis relâché,
Et si ce n'est pas là me vendre à bon marché ;
Et malgré tout cela, j'entre en chaud mal de fièvre, [1165]
Et trouve qu'on me donne un chat au lieu d'un lièvre.

DON GARCIE.

Avez-vous l'esprit sain  ?

DON BERTAN.

Laissez-là mon esprit,
Nous en disputerons lorsque j'aurai tout dit.

DON GARCIE.

Je devrais bien plutôt...

DON BERTAN.

Vous avez l'humeur prompte,
Soyez de par le Diable attentif à mon conte, [1170]
Écoutez jusqu'au bout, vous parlerez après.
J'avais mandé, je pense, en termes fort exprès
Qu'Isabelle s'en vînt bien et dûment masquée,
Bien loin de m'obéir elle s'en est moquée,
Et partant de Madrid n'a mis sur son minois, [1175]
Pour me faire enrager, qu'un masque de trois doigts.
Ce qui m'émeut la bile encore davantage,
C'est que vous ayez fait sans besoin le voyage,
Peut-être sous l'espoir d'attraper un repas ;
Cependant en deux mots je ne le voulais pas, [1180]
Et je vous épargnais la peine de le faire
Par un Récépissé passé devant Notaire,
Outre que votre fille aime trop le caquet,
Tout ce qu'elle m'a dit sent son esprit coquet,