Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/288

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Sa tête a des vapeurs qu'on a peine à rabattre, [1185]
Pour un pied qu'on lui donne elle ose en prendre quatre,
Elle est presque toujours sur le raisonnement,
Et raisonnant raisonne irraisonnablement ;
Force cajolerie et mots galants en bouche,
L'oeil souvent en campagne, et l'accueil peu farouche. [1190]
J'aime de cette humeur la Femme d'un Voisin,
Mais je veux que la mienne aille le grand chemin.
De plus, un Don Félix, adroit de la prunelle,
En dépit que j'en aie a toujours l'oeil sur elle.
Même j'ai cette nuit été fort alarmé [1195]
Trouvant mon beau-Cousin dans sa chambre enfermé,
Et j'y suis, m'a-t-il dit, comme un Parent fidèle
Qui viens pour votre honneur faire la sentinelle,
Et voir si Don Félix oserait s'y couler.

DON GARCIE.

Quoi, Don Félix de nuit aurait pu lui parler  ? [1200]

DON BERTAN.

Non pas, mais toutefois c'est chose assez infâme
Qu'un Mari corps pour corps n'ose piéger sa Femme,
Qu'il ait quelque scrupule, et demeure en soupçon
Si de nuit un galant l'entretenait ou non.
Enfin j'aimerais mieux la moindre Paysanne, [1205]
Il faut à votre fille homme qui porte canne,
Allez-en quêter un, j'en suis fort satisfait ;
Nourriture de cour n'est point du tout mon fait,
Vous le savez fort bien en votre conscience.
Payons donc, s'il vous plaît, par moitié la dépense, [1210]
Tirons chacun du nôtre au sortir de ce lieu,
Toute promesse nulle, et bons amis, adieu.
Je n'ai plus d'appétit touchant le mariage.

DON GARCIE.

On m'avait bien dit vrai, que vous n'étiez pas sage,
Que souvent vous aviez le cerveau démonté, [1215]
Mais je ne croyais pas que vous l'eussiez gâté.
Savez-vous qui je suis  ?

DON BERTAN.