Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/311

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À l'amour de ce traître Isabelle se rend.

DON FÉLIX.

Don Bertran, Don Alvar, tout m'est indifférent,
Et mon départ bientôt lui va faire connaître
Qu'elle est en liberté de se choisir un Maître. [1610]
C'est par le mépris seul qu'on venge le mépris.

LÉONOR.

Et, de grâce, changez un dessein trop tôt pris.
Différez ce départ, vous m'êtes nécessaire.

DON FÉLIX.

Ne pouvant rien pour moi, pour vous que puis-je faire  ?

LÉONOR.

Du traître Don Alvar empêchez le projet. [1615]
De ses feux Isabelle est le plus cher objet,
Et je ne doute point que par votre présence
Vous ne trompiez le cours de leur intelligence.

DON FÉLIX.

Vous l'aimez  ?

LÉONOR.

Je l'adore, et l'ingrat me trahit.

DON FÉLIX.

Mais dans un rendez-vous, à ce que l'on m'a dit, [1620]
Sa flamme cette nuit pour vous s'est fait paraître  ?

LÉONOR.

C'est ce qui me confond, il le veut méconnaître.

DON FÉLIX.

En quel aveuglement ai-je été jusqu'ici  ?
Tu m'as dit vrai, Jacinte, et j'en suis éclairci.

LÉONOR.

Que dites-vous  ?

DON FÉLIX.

Enfin soyez désabusée [1625]
D'une erreur que la nuit entre nous a causée.
Dans l'ombre de la nuit, d'amour préoccupés,
Nous nous sommes tous deux également trompés,
Vous, touchant Don Alvar, moi touchant Isabelle ;
Vous me preniez pour lui, je vous prenais pour elle. [1630]

LÉONOR.