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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/333

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Oronte, lit.

Pour prix de votre amour que vous peignez extrême,
Oronte, vous osez me demander le mien ;
Quelquefois par bonté j’endure que l’on m’aime,
Mais je prétends aussi qu’il ne m’en coûte rien.
Vous donner cœur pour cœur seroit un avantage
Où le plus grand mérite à peine ose aspirer.
Voyez ce que je vaux ; mais m’offrez votre hommage,
Je le souffre, de quoi pouvez-vous murmurer ?
Serait-ce qu’en effet votre amour fut si forte
Qu’on le dût estimer digne d’un plus grand prix ?
Faisons un compte exact, et supputons de sorte
Que l’un ni l’autre enfin n’y puisse être surpris.
Si ces brûlants soupirs, qui vous sont ordinaires,
Vous donnent quelque espoir de me mettre à retour,
Croyez-moi, cent soupirs souvent ne pèsent guères,
Et n’emportent qu’à peine un demi grain d’amour.
On peut pour en juger, en prenant la balance,
Leur opposer l’honneur de vous voir dans mes fers.
Si vous êtes d’accord de cette expérience,
J’offre de vous donner mon cœur, si je le perds.
Sa réponse est adroite autant qu’elle est galante,
J’aime tous ces dehors d’une humeur arrogante,
Et ce charmant orgueil à m’écrire affecté
N’a pas moins de pouvoir sur moi que sa beauté.

Cliton

Vous chantiez un peu haut, elle vous rend le change ?

Oronte

Sa lettre aussi pour moi, Cliton, n’a rien d’étrange,
Si le style en est fier, il imite le mien,
Je vantois mon mérite, elle vante le sien.

Cliton

C’est vous payez sur l’heure en la même monnaie.