Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 1, 1748.djvu/415

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Votre raison, Éraste, est sans doute en défaut,
Mais sachons qui vous porte à prendre un ton si haut.
Oronte, dites-vous, a su touchez mon âme ?
Est-ce un crime pour moi que d’estimer sa flamme ?
Que vous ai-je promis qui m’en doive empêcher ?
Quels serments violés m’osez-vous reprocher ?
Si pour grande faveur vous comptez une lettre,
À votre vanité cessez de trop permettre.
J’aime à donner la baye, et pour la pousser loin,
J’écrirois cent billets s’il en étoit besoin.
Vous régalant ainsi je n’ai cherché qu’à rire,
Les termes en font foi, vous n’avez qu’à bien lire.

Eraste

Quoi, me railler encor ! C’est donc là tout le fruit
Qu’une flamme si pure à la fin m’a produit ?
Après deux ans perdus en devoirs, en services…

Dorotée

Ces devoirs quelquefois tiennent lieu de supplices.

Eraste

Votre orgueil envers moi ne se peut démentir,
Vous me tirez d’erreur, et j’en veux bien sortir.
De l’infidélité ne craignez point la honte,
Abandonnez Éraste, et vivez pour Oronte.
Je romps mes tristes fers que j’estimai si doux,
Et pour ne rien garder qui me parle de vous,
Ce billet, dont l’appas avoit pu me surprendre,
J’en faisois un trésor, je m’ose à vous le rendre.

Dorotée

Ce sera m’obliger, donnez donc promptement.

Eraste

Oui, je vous le rendrai, n’en doutez nullement,
Je cours chez moi, Madame, et je vous le rapporte.