Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/218

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Et de quoi qu’il l’appuie, on ne parla jamais
Qu’un appareil de guerre ait annoncé la paix.
Non, non, il avoit cru que l’effroi de ses armes
Nous réduiroit d’abord aux dernières alarmes,
Et que, chassant d’Argos ses légitimes rois,
Chaque ville en tremblant irait prendre ses lois :
Il s’étoit figuré que pour s’en rendre maître
Avec toute sa flotte il n’avoit qu’à paroître,
Et contre son espoir ayant trouvé nos ports
En état de braver ses plus rudes efforts,
Sous l’offre d’une paix qu’il fait avec contrainte
Il cache le désordre où le jette sa crainte.
Profitons-en, Madame, et pour sauver l’État,
Lorsqu’il offre la paix, offrons-lui le combat ;
Par là dès aujourd’hui prévenant sa menace,
Étonnons sa fierté par une belle audace,
Et faisons éprouver à cet ambitieux
Que jamais les tyrans ne sont amis des dieux.
C’est là mon sentiment, et le ciel me l’inspire
Pour votre propre gloire et le bien de l’empire.

LA REINE.

Et Cléomène enfin ?

CLÉOMÈNE.

Je me tais par respect :
Aussi bien mon avis pourroit être suspect,
Et voyant pour l’État que trois grands princes veillent,
C’est à moi de souscrire à tout ce qu’ils conseillent.
Non, non, ce que déjà vous avez fait pour nous
Ne permet à l’envie aucun pouvoir sur vous :
Votre cœur m’est connu, parlez en assurance.

CLÉOMÈNE.

Puisque vous m’ordonnez de rompre le silence,
Je dirai qu’un bon roi doit n’oublier jamais
Qu’il est comptable aux dieux du sang de ses sujets,
Et qu’il n’est point de guerre, encor que légitime,
Qui par trop de longueur ne penche vers le crime.