Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/224

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Qu’espérez-vous enfin ?

CLÉOMÈNE.

Me perdre dans l’armée,
Et sans être connu sautant de bord en bord,
Vaincre cet ennemi dont Argos veut la mort.

NICANDRE.

Et vous ne doutez pas que l’État, que la reine
N’accordent tout alors aux vœux de Cléomène,
Et n’enfreignent ces lois qui dans le sang royal
Défendirent toujours un hymen inégal ?

CLÉOMÈNE.

Quelque témérité qu’il fasse ici paroître,
Cléomène, seigneur, sait encor se connoître,
Et n’oubliera jamais que de sa passion
Un éternel silence est la punition.
Mais s’il vainc Timocrate, il a quelque espérance
De voir de ses rivaux le bonheur en balance,
Et que le sang d’un roi par lui seul satisfait
D’un si funeste choix reculera l’effet.
Mais après un aveu si vain, si téméraire,
Armez contre un ingrat, armez votre colère,
Et puisque son malheur vous porte à le haïr,
Empêchez par sa mort qu’il n’ose vous trahir.

NICANDRE.

Non, non, ne craignez point ; mon amour, quoi qu’extrême,
Ne prétend rien de vous qui soit contre vous-même.
Abandonnez votre âme à ces doux sentiments,
Qui d’un feu sans espoir amusent les tourments,
J’y consens, et je puis y consentir sans peine,
Lorsque mon cœur pour vous incapable de haine,
Admirant de vos feux l’aveuglement fatal,
Plaint en vous un ami sans y craindre un rival.