Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/243

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ERIPHILE.

Quel changement soudain me défend que j’espère ?
La prise de Trasille est-elle imaginaire,
Ou pour nous accabler d’un plus rude revers,
Les dieux par quelque traître ont-ils brisé ses fers ?

LA REINE.

Non, sa prison est sûre, et je crains peu sa fuite.
Mais d’un combat funeste ignores-tu la suite ?

ERIPHILE.

Je n’ai rien su de plus.

LA REINE.

Lis dans mon désespoir
Ce qu’on me laisse encor à te faire savoir,
Et tâche à m’épargner la douleur de te dire
Que le ciel contre nous pour un tyran conspire.
D’abord Trasille pris sembloit nous assurer
De tout ce que ma haine avoit droit d’espérer ;
Les siens, que cette prise avoit remplis d’alarmes,
Ne s’offroient qu’en désordre à soutenir nos armes,
Quand pour chasser l’effroi dans leur parti semé
Timocrate paroît, superbement armé.
La visière abaissée, il exhorte, il commande,
La nouvelle en est sue et la joie en est grande ;
Les hauts cris que les siens en poussent jusqu’aux cieux
Sont de notre malheur le présage odieux.
Nos princes pour voler où l’amour les engage
Quittent imprudemment leur premier avantage,
Et, courant attaquer cet ennemi nouveau,
Cresphonte le premier accroche son vaisseau,
Il saute dans son bord ; figure-toi le reste.
Il s’y donne un combat et sanglant et funeste ;
Soudain Léontidas, jaloux de son bonheur,
Brûle d’en partager le péril et l’honneur,
Mais il ne peut si tôt contenter son envie
Qu’il ne trouve déjà que Cresphonte est sans vie.

ERIPHILE.

Il est mort !