Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/246

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LA REINE.

Achève, et dis qu’un traître, insolent dans sa haine,
Est prêt de s’assouvir par le sang de ta reine !
Oui, pour vous satisfaire, ô mânes d’un époux,
Je destinois le sien comme digne de vous,
Mais puisqu’en vain ma foi l’a cherché pour victime,
Le mien de mes serments doit expier le crime.
Sus donc, sans balancer un dessein glorieux,
De leur témérité faisons raison aux dieux :
Sur ce peu de vaisseaux échappez de l’orage,
Allons contre un tyran achever leur ouvrage,
Et du moins, sûrs du coup qui nous doit accabler,
Essayons en tombant de le faire trembler.
C’est là dans nos malheurs tout l’espoir qui nous reste.

ERIPHILE.

Quel espoir, dont l’effet n’a rien que de funeste !
Madame, au nom des dieux que touchent vos serments,
Daignez de ce transport calmer les mouvements !
Trasille dans vos fers rompra ceux de Nicandre,
Ou si pour les briser il faut tout entreprendre,
Peut-être tous ces chefs qui lui servoient d’appui,
Ne sont pas hors d’état de combattre pour lui.

LA REINE.

La surprise d’un coup que redoutoit ma haine
Avait de mon esprit éloigné Cléomène,
Mais puis-je sans trembler m’informer de son sort ?
Parlez, parlez, Arcas !

ARCAS.

Madame, on le croit mort.
Au moins s’étant mêlé sans se faire connoître,
À nos yeux aussitôt il a su disparaître,
Et sans doute au combat il portoit trop de coeur
Pour voir sans y périr Timocrate vainqueur.

LA REINE.
, à Ériphile.

Et bien, mon espoir cède à d’injustes alarmes ?

ERIPHILE.

En de pareils malheurs le mien n’est plus qu’aux larmes,