Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/245

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LA REINE.

La pitié fait outrage à celles de mon rang :
Parle, c’est trop tenir mon âme suspendue !
Ne me déguise rien : la bataille est perdue ?

ARCAS.

Oui, madame, et jamais les destins conjurez
Avec tant de fureur ne se sont déclarez ;
Contre nous Timocrate a paru comme un foudre,
Qui renverse, qui brise, et réduit tout en poudre,
Tous sous ses moindres coups sont tombez sans effort,
Et peu de nos vaisseaux ont regagné le port.

ERIPHILE.

Ah ! Cléone !

LA REINE.

Gardez de rien faire paroître
Qui démente le sang dont on vous a vu naître,
Et refusant votre âme à des soupirs trop bas,
Si le sort vous trahit, ne vous trahissez pas !
À quoi que sa rigueur contre nous puisse atteindre,
C’est la justifier que songer à s’en plaindre,
Et d’un trône où la gloire a toujours éclaté,
Par cet abaissement souiller la majesté.
Dans ces murs jusqu’au bout armez pour la défendre,
Tombons par son débris plutôt que d’en descendre,
Et montrons qu’aux grands cœurs qui perdent tout espoir,
C’en est un assez grand que de n’en point avoir.

ARCAS.

Ce dessein seroit beau, si le ciel moins contraire,
Ne découvroit pour nous qu’une haine ordinaire,
Mais ce qui des malheurs semble être le dernier,
Nicandre…

LA REINE.

Que dis-tu ? Nicandre ?

ARCAS.

Est prisonnier.