Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
ERIPHILE.

Quoi, de celle d’un père un ennemi coupable
D’une lâche pitié m’éprouveroit capable ?

CLÉOMÈNE.

Hélas !

ERIPHILE.

Achève, parle, explique tes soupirs !

CLÉOMÈNE.

Comment les expliquer s’ils choquent vos désirs ?
L’ardeur qu’à vous servir mon courage déploie,
Fait sans doute et mes soins et ma plus forte joie,
Mais quoi que mon amour l’ait toujours su borner
À l’aveu glorieux qu’on vient de me donner,
Un reproche secret que malgré moi j’écoute,
M’arrête incessamment sur le prix qu’il me coûte.
Aux aveugles désirs d’un transport furieux
Il m’a fait immoler un roi victorieux,
Et cet effort est tel qu’à l’avoir su comprendre
Vous m’auriez moins poussé peut-être à l’entreprendre.

ERIPHILE.

Ne crois pas ton orgueil jusques à te flatter
D’un aveu qu’en effet tu n’oses mériter ;
Ce cœur qui voit le tien et lit dans ta pensée,
Ne peut être le prix d’une vertu forcée.
Rencontrer par hasard et triompher d’un roi,
C’est ce qu’un autre heureux auroit fait comme toi :
Mais en faire éclater le remords qui t’accable,
C’est une lâcheté dont toi seul es capable.

CLÉOMÈNE.

Et bien, à ce reproche osez vous emporter,
Mais apprenez par où je l’ai pu mériter.
Je suis lâche, il est vrai, moi-même je m’accuse,
Non pour ce faux remords dont l’erreur vous abuse,
Mais pour avoir souffert que ce cœur amoureux
Abusât du respect d’un roi trop malheureux.
Car puisqu’un tel secret ne sauroit plus se taire,
C’est lui qui par sa prise a cherché de vous plaire,