Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/277

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Scène V


La Reine, Timocrate, Eriphile, Doride, Cléone.

LA REINE.

L’on nous attend au temple, où tout est préparé.
L’hymen va vous unir, vous l’avez désiré.
S’il est de votre amour le plus digne salaire
J’en ai donné parole, il faut y satisfaire,
Et pour fuir le parjure, accomplir hautement
L’irrévocable arrêt d’un aveugle serment.

TIMOCRATE.

Par quels vœux reconnoître une faveur si rare ?

LA REINE.

Vous me devrez bien plus si mon cœur se déclare,
Et s’il ose pour vous jusques-là se trahir
Qu’il montre aimer encor ce qu’il devroit haïr.
Car enfin si je dois ma fille à Cléomène
Je dois en même temps Timocrate à ma haine ;
Et plaindre l’un heureux, c’est montrer qu’en effet
Malgré ce fier devoir je perds l’autre à regret.

TIMOCRATE.

Le bonheur qui m’attend a pour moi trop de charmes,
Pour relâcher mon cœur à d’indignes alarmes :
Allons, madame, allons, c’est trop le reculer !

ERIPHILE.

Ah, prince, et c’est à moi que vous croyez parler ?
Ce n’est donc pas assez du malheur qui m’accable
Si d’un serment fatal je ne me rends coupable,
Et vous osez penser qu’en vous donnant la main
J’irai fournir des traits à vous percer le sein ?
Voyez-vous ce qui suit un hymen si funeste ?

TIMOCRATE.

L’honneur m’en est trop cher pour redouter le reste.