Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/278

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ERIPHILE.

Et pour vous et pour moi je m’y dois opposer !

TIMOCRATE.

Auriez-vous la rigueur de me le refuser,
Et le nom d’ennemi dont il me justifie
Ayant toujours souillé la gloire de ma vie,
Par ce refus cent fois plus cruel que mon sort,
Voudriez-vous ternir la gloire de ma mort ?
Ces serments dont les dieux font répondre la reine,
Ne vous doivent pas moins qu’ils doivent à sa haine,
Et l’on ne peut sans crime offrir à leur courroux
Le sang d’un ennemi qu’il ne soit mon époux.

TIMOCRATE.

Si je ne le suis pas, à quoi donc vous engage
Cette foi dont la vôtre honora hier l’hommage ?
À ne pouvoir ailleurs disposer de mes voeux.
Mais l’hymen seul a droit d’en étreindre les noeuds,
Et c’est au temple seul qu’avec pleine assurance
Le ciel peut l’achever si la foi le commence.

LA REINE.

Ô combat, ô dispute, où mon cœur étonné
Se sent pour l’un et l’autre également gêné !
Le ciel n’a-t-il rendu ma haine nécessaire
Qu’afin de lui soumettre une tête si chère,
Et le sang que je dois à mes tristes malheurs
Ne le puis-je verser sans répandre des pleurs ?
Mais où chercher ce sang qu’il faut enfin répandre ?
Je n’ai point d’ennemi si je me dois un gendre,
Et malgré mon courroux par ma haine affermi
Je ne le puis choisir que dans mon ennemi.
Ô trop sensibles coups d’une rigueur extrême !
J’aime ce que je perds, et je perds ce que j’aime,
Et contrainte à venger un époux sur un roi,
Je ne fais point de vœux qui n’aillent contre moi !
Mais quel bruit tout à coup d’ici se fait entendre ?
Le peuple impatient se lasse-t-il d’attendre ?