Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/303

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BÉRÉNICE

Aussi ne doutez pas que s’il me vouloit croire,
Au seul soin de vous plaire il ne bornât sa gloire ;
Et que ce rare amas de belles qualités
Ne vous acquit des vœux que j’ai peu mérités.

PHILOCLÉE

Moi, dans le rang illustre où le Ciel m’a fait naître
Je pourrois me résoudre à recevoir un Maître,
Qui déjà par soi-même assuré d’être Roi
Croiroit plus me donner qu’il ne tiendroit de moi ?
Non, quel que soit l’éclat d’une double Couronne
Je veux donner un Sceptre et non qu’on me le donne,
Et l’on verra mon choix assurer à ma main
L’ambitieux honneur de faire un Souverain.
Mais dans mon cœur peut-être une secrète envie
Vous dispute l’espoir du trône de Lydie,
Et ce que l’amitié me fait craindre pour vous
N’est que l’indigne effet d’un mouvement jaloux ?
Guérissez votre esprit d’une frayeur si vaine,
Je vois sans déplaisir l’amour de Philoxène,
Et loin que son succès me cause aucun ennui,
Pour le faciliter je vous laisse avec lui.


Scène V

Philoxène, Bérénice, Clitie.
BÉRÉNICE

Ah, Seigneur, il est temps qu’une rude victoire
Aux dépens de mon cœur satisfasse ma gloire,
Et que par un effort trop longtemps combattu
Tout mon repos s’immole à ma fière vertu.
Dans votre passion tout l’État s’intéresse,
Elle choque le Roi, déplaît à la Princesse,