Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/302

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PHILOCLÉE

Vous le témoignez mal par l’injuste mépris
Qu’on vous voit opposer au choix d’Anaxaris.

BÉRÉNICE

Il a des qualités que ma raison admire ;
Mais le Ciel de nos cœurs s’est réservé l’empire,
Et sans son ordre exprès qui seul le met au jour,
S’il nous permet l’estime, il nous défend l’amour.

PHILOCLÉE

En effet, c’est un ordre où vous cédez sans peine
Quand il vous faut souffrir les vœux de Philoxène.
Il vous plaît, il vous flatte, et vous fait présumer
Que rien n’est impossible à qui sait bien aimer.
Pour moi, si rien jamais peut toucher mon envie,
C’est de vous voir un jour au trône de Lydie ;
Mais quoi que Philoxène ose vous protester,
Étant amant et Prince, il est à redouter,
Et ces deux qualités dans la même personne
Sont de mauvais garants de la foi qu’il vous donne.

BÉRÉNICE

Les Princes peuvent tout, mais c’est blesser les Dieux
Qu’en oser concevoir des soupçons odieux.
Ils tirent du haut rang qui forme leur puissance,
Un secours favorable à remplir leur naissance
Ce qu’aux grands sentiments un long soin nous requiert,
Au bonheur qui la suit est un trésor ouvert ;
Par là leurs cœurs sans peine égalent leurs fortunes.
Et pour se dérober aux foiblesses communes,
De quelques passions qu’il semblent combattus,
Ils trouvent dans leur sang la source des vertus.

PHILOCLÉE

Le Prince de Lydie a l’âme noble et grande ;
Mais quoi que de sa flamme un bel espoir attende,
Ayant à respecter un père dans son Roi,
C’est un gage mal sûr que celui de sa foi.