À ce nom, quoi qu’on fasse, un doux saisissement
En fait briller l’ardeur dans les yeux d’un amant,
Et par un vif transport, dont il n’est plus le maître,
Tout le secret du cœur y vient soudain paroître.
Vous aimez Bérénice, et par un libre aveu
Votre feinte à ses yeux étale un autre feu ?
Juge par cet effort où j’ai dû me contraindre
Combien ma passion rend mon destin à plaindre ;
Car à se taire enfin l’amour est peu gêné
Quand par le seul respect il s’y voit condamné.
Au moins est-ce un appas à sa peine secrète
Qu’un regard échappé s’en peut rendre interprète,
Et que si cet essai répond à son désir,
Pour achever de vaincre il ne faut qu’un soupir.
Mais quand d’un fier destin la fatale ordonnance
Du cœur avec les yeux défend l’intelligence,
Et que par ce divorce il dérobe à ce cœur
Ce qu’offre de secours leur mourante langueur,
Il n’est point pour l’amour de plus rude supplice,
Et c’est ce que je souffre en aimant Bérénice.
La contrainte est fâcheuse, et le Prince vous doit
Pour cet effort caché beaucoup plus qu’il ne croit.
Lui céder un espoir que le Roi vous ordonne !
Il le faut avouer, tant de vertu m’étonne,
Et je n’aurois pas cru que jamais un Rival…
Qu’Iphite a l’esprit foible, ou qu’il me connoît mal !
Si j’impose à ma flamme un rigoureux silence,
Le Prince me doit peu pour cette violence.
C’est le cruel effet d’une autre passion,
Et pour tout dire enfin j’ai de l’ambition.
Ce vice des grands cœurs dont l’ardeur toujours prête
Veut sans cesse avancer, et jamais ne s’arrête,
Ce Monstre qu’en désirs on ne peut épuiser,
Dès mes plus jeunes ans me sut tyranniser.