Si les ayant soufferts je m’en suis fait complice,
À la seule vertu j’ai cru rendre justice,
Et ce cœur dans son choix n’a point examiné
S’il en aimoit l’éclat sur un front couronné.
Mais enfin aujourd’hui je ne puis plus sans crime
Lui rien souffrir pour vous au-delà de l’estime,
C’est pour Cléone seule…
Ah ! Que me dites-vous ?
Que le Roi vous choisit pour être son Époux,
Et que se réservant lui-même à vous le dire,
Il la fait préparer à l’aveu qu’il désire.
Ce coup surprend ma flamme, il le faut confesser.
Ce choix en fait un crime, il n’y faut plus penser.
Quoi, vous croyez déjà que mon cœur y consente ?
Quoi, vous refuseriez cette gloire éclatante ?
Quelque bonheur par là dont me flatte le Roi,
Hors vous, hors votre amour, il n’en est point pour moi.
Si vous n’acceptiez pas l’honneur qu’il vous veut faire,
Pourriez-vous espérer de fléchir sa colère ?
Non, mais par votre aveu, si je puis l’obtenir,
Pour rompre son dessein je le veux prévenir.
C’est l’unique remède aux maux qu’il nous prépare,
Il faut me déclarer avant qu’il se déclare,
Lui découvrir ma flamme, et presser sa bonté
D’en voir plutôt l’ardeur que la témérité.