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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/101

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JACINTE.

Partant, Jacinte, tiens.Tu la quittes pour moi ?

GUZMAN.

Va, touche.

BÉATRIX.

Va, touche.Pauvre fou ! J’aurois voulu de toi ?
Dans quelle folle erreur ton esprit s’enveloppe !
Sais-tu que j’ai fait tirer mon horoscope,
Et que le moindre honneur qui me puisse être acquis
C’est, avant qu’il soit peu, d’épouser un marquis ?
Peut-être même un duc, ou plus.

GUZMAN.

Peut-être même un duc, ou plus.Le doux augure !
Bonsoir, belle marquise, ou duchesse future.
Le ciel…

D. JUAN.

Le ciel…Va, Béatrix, n’écoute plus ce fat,
Je vais faire ériger ma terre en marquisat ;
Et si, dans ce temps-là, ta foi n’est point promise,
Prends-en la mienne ici, je te ferai marquise.
Comme en toi je choisis l’objet le plus parfait ;
J’en sai qui m’ont trouvé peut-être assez bien fait,
Je plais où je veux plaire, & suis assez de mise.

BÉATRIX.

Nous n’avons pas besoin tous deux qu’on nous le dise ;
Et, si je crois valoir qu’on ait des yeux pour moi,
Vous avez pour vous-même autant de bonne foi ;
Mais, à bien prendre tout, quoi qu’un peu plus grand’dame,
Je n’en serois pas mieux pour être votre femme ;
Et nous n’irions pas loin ensemble à communs frais,
Qu’il ne fût question de venir au rabais.
De l’humeur dont je suis, de l’humeur dont vous étes,
Je crois qu’assez souvent nous ferions bourses nettes ;
Nous sommes en défauts opposés tant soit peu,
J’aime fort la dépense, & vous aimez le jeu.
L’un de l’autre par là nous nous verrions les dupes ;
Je voudrois de l’argent pour acheter des jupes ;