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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/42

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ISABELLE.

Il aime Léonor, & m’ose cajoler !

BÉATRIX.

Bons dieux ! Quel maître fourbe !

ISABELLE.

Bons dieux ! Quel maître fourbe !Il faut dissimuler.

LÉONOR à Isabelle.

Sachant quelle aventure à soupirer m’expose,
Voyez en Dom Fernand le sujet qui la cause ;
Vos sentimens ont droit d’en regler seuls la fin.

D. FERNAND à Isabelle.

Je dois beaucoup, Madame, à mon heureux destin,
Qui, me laissant toujours inconnu ce que j’aime,
Me fait connoître, au moins, comme une autre elle-même ;
L’amitié qui vous joint m’en persuade assez.

ISABELLE.

Je ne m’étonne point si vous me connoissez ;
Pour peu qu’avec un cœur l’on ait d’intelligence,
De tout ce qu’il chérit on a la connoissance ;
Et l’amour, qui du sien vous fait suivre la loi,
Doit faire autant pour vous que l’amitié pour moi.
J’en ai déjà tiré des lumières secrettes,
Qui m’ont, en un moment appris, ce que vous étes ;
Je sai presque de vous tout ce qu’on peut savoir.

D. FERNAND.

Un si brillant esprit ne se peut décevoir ;
Mais, si vous vous rendez à de justes prieres,
Madame, faites-m’en partager les lumieres.
De ce charmant objet j’adore la beauté,
Sans avoir pû tirer mon feu d’obscurité,
Son nom qu’elle me cache étonne ma constance.

ISABELLE.

Elle vous fait grand tort par cette défiance ;
Et, sur ce que de vous je puis justifier,
Elle verra, bien-tôt, comme on doit s’y fier.

LÉONOR.

Prendre déjà sa cause ! À moins qu’il vous corrompe…