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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/51

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GUZMAN.

Vous laisserez pester Isabelle à son aise ?

D. FERNAND.

Au contraire, Guzman, il faut que je l’appaise ;
Et que je fasse effort à lui mettre en l’esprit,
Qu’elle croit trop l’erreur qui contre moi l’aigrit.
Ayant à soutenir ce second personnage,
Ici, pour le jouer, je l’attends au passage ;
Et sur un autre ton ayant sû m’accorder,
Comme Dom Dionis je prétens l’aborder.
J’ai su par Dom Juan qu’elle est chez une tante ;
Et feignant tout le jour de l’avoir crûe absente,
Privé d’un rendez-vous dont je devois jouïr,
Je préviendrai sa plainte, & pourrai l’éblouïr.

GUZMAN.

Et vous la voulez croire assez dupe & novice,
Pour ne pas découvrir le nœud de l’artifice ?

D. FERNAND.

Mais on a vû des gens se ressembler si bien,
Qu’à les voir séparés, on n’y connoissoit rien.
Si la rencontre est rare, elle est du moins possible.

GUZMAN.

Monsieur, dans ce dessein votre honte est visible.
Si les traits du visage ont un rapport parfait,
Ou la taille, ou la voix en détruisent l’effet ;
Mais à moins que pour vous la foi n’entraîne l’ame…

D. FERNAND.

Aussi je ne prétens abuser qu’une femme ;
Et je n’en sache point qu’on ne puisse obliger,
Quand on sait bien s’y prendre, à croire de leger.
Outre que Dom Juan, secondant mon adresse,
Par de nouveaux détours fera valoir la piéce ;
Pour appuyer la fourbe il est de tout instruit.

GUZMAN.

S’il a quelque talent, il peut faire grand fruit ;
Qui prend de vos leçons a de hauts avantages.
Enfin, pour l’inconnue, elle est cassée aux gages,
Il ne s’en parle plus, c’est autant de vuidé ?