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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/50

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C’est un pas qu’à franchir peu de gens ont appris ;
Et, tout subtil qu’il est, le diable y seroit pris.

D. FERNAND.

Aussi, pour en sortir, j’aurois eû plus d’obstacle,
Si le ciel, pour m’aider, n’avoit fait un miracle.
Contre l’ordre commun il a fait qu’en ce jour,
On ait vû la prudence accompagner l’amour ;
Et que du rendez-vous Isabelle en colere,
Ait eû, dans son dépit, le pouvoir de se taire.
Ainsi, pour moi le pas étoit moins hazardeux,
Tant que j’ai pû me voir avec toutes les deux,
Pour quelques mots couverts je m’en suis trouvé quitte ;
Mais, dès que l’inconnue a fini sa visite,
Et qu’ayant, malgré moi, voulu se retirer,
Seul avec Isabelle on m’a fait demeurer,
En me traitant de fourbe, & suivante & maîtresse
M’ont pensé mettre alors au bout de mon adresse,
Dom Dionis en moi leur étant trop connu…

GUZMAN.

Je vous tiens fort heureux d’en être revenu.
Deux Femmes ! Rendez grace aux heureuses planettes
Qui vous ont de leurs mains sû tirer bragues nettes ;
Car tout autre que vous, quoiqu’adroit à mentir,
Eût laissé la perruque avant que de sortir.
Mais de vos feux errants les voyant éclaircies,
Comment avez-vous pû vous les rendre adoucies ?
Et quel charme assez fort, appaisant leur courroux,
A détourné l’orage & rabattu les coups ?
Pour moi, j’aurois fort craint le saut par la fenêtre.

D. FERNAND.

J’ai feint effrontement de ne les pas connoître ;
Et comme l’inconnue avoit dit mon vrai nom,
Sur ce déguisement j’ai toujours tenu bon.
De leur Dom Dionis qu’elles nommoient sans cesse,
Pour un jeu concerté j’ai fait passer l’adresse ;
Et, comme tout n’étant que pour m’embarrasser,
Niant jusques au bout je me suis fait chasser.