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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/60

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D. JUAN.

Son nom est Dom Fernand ?Je n’ai sû rien apprendre,
Sinon que pour quelque autre on me l’auroit fait prendre ;
Et, sans plus m’écouter, il a tiré chemin.

BÉATRIX.

Madame, assurément c’est notre Grenadin.

ISABELLE.

Pauvre dupe !

BÉATRIX.

Pauvre dupe !Pas tant peut-être qu’il vous semble.

D. FERNAND.

Mais, si le ciel permet qu’un autre me ressemble,
Faut-il sous ce malheur que je sois accablé ?

GUZMAN.

Monsieur, je suis perdu si vous étes doublé.
Ce second Dionis terriblement me choque ;
Aux dépens de mon dos j’en crains bien l’équivoque ;
Si, l’abordant pour vous, il prend son sérieux ?

D. JUAN.

Enfin jamais portrait ne ressemblera mieux,
Tout autre y seroit pris.

ISABELLE.

Tout autre y seroit pris.Il faut que je l’avoue,
Chacun de vous fait bien dans le rôle qu’il joue ;
Le conte avec grand art est sans doute inventé.
De grace, Dom Juan, vous a-t-il bien coûté ?
Ce rare effort d’esprit vous comblera de gloire.

D. JUAN.

Je ne suis point surpris qu’on ait peine à me croire,
Moi-même, qui m’en trouve encor tout interdit,
Je prendrois pour un conte un semblable récit ;
Mais il n’est rien plus vrai.

BÉATRIX.

Mais il n’est rien plus vrai.Vous en doutez, Madame ?

ISABELLE.

Qu’il est souvent aisé de tromper une femme !
Simple, tu ne vois pas qu’ils s’entendent tous deux ?