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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 3, 1748.djvu/88

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LÉONOR.

Quoi, ce n’est pas de vous qu’il tient tout mon secret ?

ISABELLE.

Peut-être pour le taire est-il assez discret ;
Mais, s’il l’a sû de moi, j’ai mauvaise mémoire.

LÉONOR.

Ce qu’il a fait tantôt m’obligeoit à le croire.
De l’hymen qui me perd désespéré, jaloux,
Afin d’y mettre obstacle, il est venu chez nous.
À peine ai-je obtenu qu’il n’ait pas vû mon pere.

ISABELLE.

Cette chaleur d’amour ne doit pas vous déplaire ;
Mais, si son cœur pour vous nourrit des feux constans,
Vous étes en danger de l’attendre long-temps.

LÉONOR.

Quoi, vous doutez qu’ici Jacinte ne l’amene ?

ISABELLE.

Je crains qu’à le trouver elle n’ait quelque peine,
Tout-à-l’heure, à mes yeux, on vient de l’arrêter.

LÉONOR.

Quel rude revers avois-je à redouter ?
Que le sort m’est cruel !

ISABELLE.

Que le sort m’est cruel !J’ai pourtant un scrupule,
Qui sur ce point encor me laisse peu crédule.
Je viens de la prison, où, de tout mon pouvoir,
J’ai tâché, mais en vain, d’obtenir de le voir ;
Le concierge en oppose une étroite défense.

LÉONOR.

Quel sujet avez-vous par là de défiance ?

ISABELLE.

C’est que j’en ai beaucoup de me persuader
Que jamais de la fourbe on ne sût mieux s’aider.
Ce même Dom Fernand qui vous voit, qui vous aime,
Doit être un Dionis qui m’en conte à moi-même,