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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/211

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Élise

Moi l’aimer ?

Alcine

Sa vertu vous doit être assez chère.

Élise

Il est vrai qu’il sait joindre à l’éclat de son rang
Toutes les qualités que demande un beau sang.
Jamais plus de mérite avec tant d’avantage
Ne sut de tous les cœurs s’acquérir le suffrage ;
Moi-même je me sens forcée à l’estimer,
J’admire sa vertu, mais ce n’est pas l’aimer.

Alcine

Avec tant de chaleur louer ce qu’on estime,
Madame, croyez-moi, c’est l’amour qui s’exprime.

Élise

Quoi, tu crois que je l’aime, et que pour faire cas…

Alcine

Mais vous-même avec moi ne le croyez-vous pas ?

Élise

Je veux bien t’avouer que son départ m’afflige,
Que l’ordre qu’on lui donne à soupirer m’oblige ;
Mais sans doute mon cœur dans cet éloignement
Soupire pour un Père, et non pour un Amant.
Le Prince hors d’ici, Prusias n’est point homme
À résister longtemps aux poursuites de Rome.
Elle hait Annibal, et je crains que le Roi
N’ait pas la fermeté de nous garder sa foi.
Son Fils étoit pour nous un appui nécessaire.

Alcine

J’en croirai ce motif s’il s’agit de vous plaire.
Le Prince peut ici vous manquer au besoin ;
Mais on ne prévoit pas les malheurs de si loin,
Et lorsque tant d’ardeur fait que l’on s’intéresse…

Élise

Qui te porte à vouloir jouir de ma foiblesse ?
Ne force point mon cœur à se trop déclarer,
Et s’il aime en secret, laisse-moi l’ignorer.
Voici le Prince, ah Dieux !