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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/215

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Donc, j’aiderois moi-même au destin qui vous brave ?
J’aurois le nom de Reine, et vous celui d’esclave,
Et les fers que dans Rome on vous feroit traîner,
Me vaudroit la douceur de me voir couronner ?

Nicomède

Et quel repos pour moi prétendre en Bithynie,
Si faute d’en partir je vous en vois bannie,
Et de nouveau réduite au funeste revers
D’aller de Cour en Cour, et de passer les mers ?
Et, souffrirai-je moins, quand la main qui m’opprime
De l’orgueil des Romains vous fera la victime,
Et que vous deviendrez, sous leurs indignes lois,
Et le jouet des vents, et le mépris des Rois ?
Pour m’épargner l’horreur d’un si cruel supplice,
Madame, au nom des Dieux souffrez que j’obéisse,
Et que jusque dans Rome affrontant vos Tyrans,
J’aille vous arracher à vos destins errants.
J’y porterai des fers en y portant les vôtres ;
Mais ce cœur tout à vous n’en recevra point d’autres,
Et j’y conserverai l’entière liberté
Que du sang dont je sors exige la fierté.
Quelque Maître des Rois que le Sénat se nomme…
Mais Annibal…


Scène III

Annibal, Nicomède, Élise

Annibal

J’apprends que vous allez à Rome,
Prince.

Élise

Rompez, Seigneur, cet injuste projet,
De sa haine pour vous les Romains sont l’objet.