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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/214

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Que le Ciel m’abandonne à son plus vif courroux,
J’en craindrai peu les traits étant aimé de vous.
Mon exil me plaira, si dans la Bithynie
Il vous fait des Romains braver la tyrannie.
Heureux cent et cent fois de voir ma liberté
Servir d’un digne prix pour votre sûreté.
Avec la même ardeur qu’elle vous est offerte,
Je voudrois de mon sang racheter votre perte,
Et par ce sacrifice apprendre assez à tous
Que peut-être mon cœur étoit digne de vous.

Élise

Quoi, si ce pur amour fait toute votre gloire,
Il faut m’abandonner pour me le faire croire ?

Nicomède

Quoi, pour votre repos je pourrois lâchement
Refuser de souscrire à mon éloignement ?
De nos jaloux destins tel est l’ordre barbare,
Que l’amour qui nous joint lui-même nous sépare.
En vain pour nous unir nous ferions nos efforts ;
Vous ne restez ici que parce que j’en sors,
Et le coup que suit l’un devant tomber sur l’autre,
Mon exil évité seroit l’arrêt du vôtre.
Cédons, cédons, Madame, à d’injustes projets.

Élise

Ainsi vous me quittez peut-être pour jamais ?

Nicomède

Le Ciel adoucira cette rigueur extrême.

Élise

Que faire cependant ?

Nicomède

Songer que je vous aime,
Et si le Roi vous presse, accepter de sa foi
Ce que je ne veux pas que vous perdiez pour moi.

Élise

Ah, Prince, songez-vous jusqu’où va cet outrage,
Et quand mon intérêt à l’exil vous engage,
Les maux que vous croyez qu’il me fasse éviter,
Approchent-ils de ceux qu’il m’offre à redouter ?