Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/217

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Nicomède

Mais, Seigneur…

Annibal

De grâce, écoutez-moi.
J’eus toujours pour vous, Prince, une tendresse extrême,
Et vous considérant comme un autre moi-même,
Je croirois démentir un zèle si parfoit,
Si je vous déguisois le dessein que j’ai fait.
Mon cœur vous est connu ; vous savez qu’il n’aspire
Qu’à braver des Romains le fastueux empire,
Et qu’il n’est point d’efforts qu’il ne se soit permis,
Pour lui pouvoir partout faire des Ennemis.
Je n’ai pas cherché loin ; leurs dures violences
Se plaisant à choquer les plus vastes Puissances,
Assez de Potentats ont voulu rejeter
L’odieux joug des fers qu’on les force à porter.
Mais quoi que de ce joug l’indignité les gêne,
Leur courage trop mol secondant mal leur haine,
J’ai vu ces fiers Tyrans impuissamment haïs
Triompher jusqu’ici de mes desseins trahis.
Par une défiance et basse et trop couverte
Antiochus lui-même ayant causé sa perte,
J’ai choisi cette cour, et je m’étois flatté
D’y trouver moins d’ombrage, et plus de fermeté.
L’accueil de Prusias, ses offres, mes services,
D’un fort attachement m’étoient de leurs indices,
Les plus hardis projets m’enfloient déjà le cœur ;
Mais je vois tout à coup qu’un Romain lui fait peur.
Quand il peut plus lui seul que trente Rois ensemble,
Au seul nom du Sénat, il s’intimide, il tremble.
Il fait plus, et craignant l’effet de mes desseins,
Pour m’empêcher d’oser, il vous livre aux Romains.
Prince, j’apprends par là ce qu’il faut que je fasse
Je trouve une autre main quand la sienne se lasse,
Attale me reçoit ; prêt à s’unir à moi
Sans craindre mes Tyrans il me donne sa foi,