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Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 4, 1748.djvu/222

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Fixez, fixez, Seigneur, cette douteuse foi.
Déclarez-vous entier ou pour elle ou pour moi.
Accorder Annibal avec la République,
Passe tous les ressorts de votre Politique.
Jamais de tant d’Amis vous ne viendrez à bout,
Et c’est n’en faire point que d’en chercher partout.
Vous me tenez parole et vous en faites gloire.
Seigneur, parlons sans feindre, ai-je lieu de le croire ?
Quand vous tremblez de rompre avec mes Ennemis,
Qu’est devenu l’orgueil que vous m’aviez promis ?
Est-ce afin de régner avec indépendance
Que vous mettez demain le Prince en leur puissance,
Ou par quelque dessein dont nous verrons l’éclat,
Va-t-il comme Espion amuser le Sénat ?

Prusias

Jugez par là, Seigneur, si mon zèle est extrême.
Je cherche à détourner vos malheurs sur moi-même ;
Et pour vous soutenir contre vos Ennemis,
Me garder tout à vous, je leur livre mon Fils.

Annibal

Et pourquoi vous soumettre à l’affront volontaire
De recevoir la loi quand vous la pouviez faire ?
Toute l’Asie émue, et presque sous vos lois,
Craignoit en vous déjà le plus grand de ses rois.
Après Eumène mort et son débris funeste,
Cent mille bras armés vous promettoient le reste,
Et ce qui flatteroit un cœur entreprenant,
Vous aviez Annibal pour votre Lieutenant.
C’étoit, c’étoit alors que l’honneur, que la gloire,
Quoi qu’il vous fît oser, vous portoient à le croire.
Ces serments qu’il reçut contre l’orgueil Romain,
Il falloit les tenir les armes à la main.
Où pourrez-vous jamais, pour venger vos outrages,
Recouvrer à la fois de pareils avantages ?

Prusias

Ils étoient grands sans doute avec un tel secours,
Mais pour espérer vaincre on ne vainc pas toujours,